OpenAI face au défi de la monétisation : ChatGPT entre publicité, affiliation et modèle freemium
- Dorian Lannuzel-Gillet
- 20 août
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 août

Avec près de 700 millions d’utilisateurs actifs par semaine, ChatGPT s’est imposé comme l’un des produits technologiques les plus adoptés de l’histoire récente. Mais derrière cette croissance spectaculaire se cache un défi de taille : transformer cette popularité en un modèle économique durable.
L’enjeu n’est pas mince : OpenAI devrait générer 12,7 milliards de dollars de revenus en 2025, soit une croissance de +243 % par rapport à 2024. Pourtant, l’entreprise demeure déficitaire et n’envisage pas de rentabilité avant 2029.
Face à cette équation, de nouvelles pistes émergent : publicité, affiliation via “Commerce in ChatGPT” et diversification tarifaire. Mais ces choix ne sont pas neutres, tant pour les utilisateurs que pour l’écosystème numérique.
Publicité dans ChatGPT : un tabou qui se fissure
Historiquement, Sam Altman — CEO d’OpenAI — présentait la publicité comme un “dernier recours”.
La priorité était de garder ChatGPT indépendant, transparent et exempt de biais commerciaux.
Nick Turley, responsable produit de ChatGPT, adopte une position plus nuancée. Interrogé récemment, il n’exclut pas l’intégration de formats publicitaires, à condition qu’ils soient “réfléchis, assumés et cohérents avec l’expérience utilisateur”.
Quels formats pourraient émerger ?
Ads conversationnelles natives : intégrées dans le flux, sous forme de recommandations sponsorisées.
Product placement algorithmique : comme dans les réponses d’agents IA de recherche, où une partie des résultats pourrait être sponsorisée.
Contextualisation premium : placement de services liés directement à la question posée par l’utilisateur (ex. : “trouver un logiciel CRM” → mise en avant d’un partenaire payant).
Le risque ? Un biais perçu comme une atteinte à la neutralité de l’IA. La publicité dans un modèle conversationnel doit être extrêmement transparente sous peine de briser la confiance des utilisateurs.
Commerce in ChatGPT : l’affiliation comme compromis
Pour éviter la publicité intrusive, OpenAI explore une alternative baptisée “Commerce in ChatGPT”.
Principe : ChatGPT recommande des services, produits ou logiciels en fonction des demandes, et OpenAI touche une commission si l’utilisateur passe à l’achat.
Exemple concret :
Un utilisateur demande : “Quel outil pour automatiser ma prospection B2B ?”
ChatGPT propose trois solutions pertinentes.
L’une d’elles est intégrée via un partenariat commercial.
Si l’utilisateur clique et souscrit, OpenAI reçoit une commission.
Ce modèle s’approche du fonctionnement de plateformes comme Amazon Affiliate ou Booking, mais transposé dans un environnement conversationnel.
👉 Techniquement, cela suppose d’intégrer un moteur de recommandation hybride, capable de :
Maintenir une réponse objective et équilibrée.
Signaler clairement les recommandations sponsorisées.
Assurer une gouvernance éthique sur les choix mis en avant.
Le modèle freemium sous tension
Actuellement, sur 700 millions d’utilisateurs, seuls 20 millions paient l’abonnement ChatGPT Plus (20 $/mois). Soit moins de 3 %.
Pour élargir ce chiffre, OpenAI a lancé en Inde une offre low-cost, ChatGPT Go (≈4 €/mois). L’idée : adapter les prix aux marchés émergents et maximiser l’adoption avant d’augmenter les tarifs ou d’élargir les services premium.
Mais cette stratégie comporte deux défis :
Cannibalisation : un prix trop bas dans certains marchés pourrait fragiliser la perception premium ailleurs.
Infrastructure : plus d’utilisateurs = plus de coûts serveurs (et les LLM coûtent cher en GPU et énergie).
Derrière ce modèle, une équation délicate : comment équilibrer croissance massive et marge opérationnelle ?
Les enjeux techniques derrière la monétisation
Monétiser un agent conversationnel comme ChatGPT n’est pas qu’une décision business, c’est aussi un défi technique :
Scalabilité des serveurs : avec l’arrivée de GPT-5, la consommation GPU explose. Rentabiliser nécessite soit d’augmenter le taux de conversion payant, soit d’optimiser drastiquement les coûts de calcul.
Transparence des recommandations : intégrer pub/affiliation impose un balisage clair (par ex. “sponsorisé”), et une traçabilité dans les logs utilisateurs.
Éthique et gouvernance : l’IA influence directement les décisions de millions d’utilisateurs. Mal gérer ce levier reviendrait à reproduire les biais de Google Ads… mais en encore plus subtil.
Risques réglementaires : l’UE pourrait exiger une réglementation spécifique sur la pub IA (comme le DMA le fait déjà pour les grandes plateformes).
Vers une redéfinition du search et de la pub digitale
Si OpenAI réussit, “Commerce in ChatGPT” pourrait devenir une nouvelle norme publicitaire.
Imaginez :
Plus besoin de Google pour chercher “meilleur logiciel CRM 2025”.
ChatGPT propose directement une shortlist, dont une partie sponsorisée.
👉 Cela pourrait :
Réduire la dépendance aux moteurs de recherche traditionnels.
Redistribuer les budgets publicitaires (aujourd’hui concentrés sur Google/Meta).
Forcer les marques à travailler leur visibilité conversationnelle, pas seulement leur SEO/SEA.
Conséquences pour les entreprises et dirigeants
Pour les acteurs du marketing et de la croissance, trois implications :
Anticiper le basculement : dès 2025-2026, l’achat média pourrait s’étendre au “référencement conversationnel”.
Optimiser la présence dans les IA : être recommandé par ChatGPT (via contenu, partenariats, affiliation) sera un levier clé.
Évaluer l’éthique : travailler avec une IA qui influence autant les décisions impose de réfléchir à la transparence et à la confiance.
Conclusion
La monétisation de ChatGPT n’est pas un simple sujet de revenus. Elle pose une question beaucoup plus vaste : quelle place voulons-nous donner à l’IA dans la chaîne de valeur publicitaire et décisionnelle ?
Publicité, affiliation, freemium différencié : chacune de ces options redéfinit le rapport de force entre utilisateurs, entreprises et plateformes.
Une chose est certaine : avec GPT-5 en ligne de mire et des coûts d’infrastructure colossaux, OpenAI doit trouver un équilibre. Les choix effectués en 2025 détermineront peut-être la manière dont nous consommerons l’information, le conseil et même la publicité… dans la prochaine décennie.
Commentaires